En Europe et en France, la question de la réindustrialisation est au centre des débats politiques, avec comme conséquence directe les enjeux de décarbonation du secteur. Les industriels font face à de nombreux défis, ce qui pousse plusieurs experts à s’exprimer à ce sujet, à l’instar du think tank La Fabrique de l’Industrie.
Les 3 défis majeurs qui peuvent mettre en péril l’industrie française
Dans sa publication du 20 juin, La Fabrique de l’Industrie soulève des interrogations quant à la réindustrialisassions en raison de la crise énergétique en Europe et du protectionnisme américain. L’étude met en évidence trois menaces perçues par les entreprises industrielles en France et dans toute l’Europe, toutes liées à la décarbonation de l’industrie. Les menaces identifiées sont les suivantes :
- La persistance des prix élevés de l’énergie en Europe à long terme.
- L’arrivée imminente du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne (MACF) et la conséquente suppression des quotas gratuits d’émissions de CO2.
- La mise en place d’incitations aux entreprises, particulièrement attrayantes aux États-Unis grâce à l’Inflation Reduction Act (IRA).
L’emploi dans le secteur industriel en France paye un lourd tribut
Selon l’étude, environ 145 000 emplois industriels en France sont susceptibles de disparaître. Cependant, il convient de noter que cette estimation ne prend en compte que les emplois directement menacés, sans prendre en considération les pertes d’emplois indirectes et induites. Les auteurs de l’étude soulignent également que leur rapport ne prend pas en compte les possibles créations d’emplois dans d’autres secteurs ou dans d’autres pays, notamment si les fonds issus du MACF sont réinvestis dans l’économie ou si les entreprises de distribution d’énergie réallouent une partie de leurs bénéfices.
Cependant, ils soulignent que la principale cause de cette situation est la hausse persistante des prix de l’énergie en Europe, qui concerne plus de 80 % des emplois mentionnés précédemment. Cette situation contraste avec la stabilité des prix de l’énergie sur les autres continents.
Plus spécifiquement, la mise en place du MACF pourrait mettre en péril environ 28 000 emplois en raison de la suppression des quotas gratuits sur le SEQE.
Les secteurs les plus consommateurs d’énergie, tels que la métallurgie, l’industrie du papier carton et la chimie, sont les plus durement touchés. En effet, on constate que dans ces secteurs, respectivement 27 %, 20 % et 15 % des emplois sont menacés.
Les prix de l’énergie : une préoccupation majeure pour l’industrie française.
Selon l’étude, en France, le secteur industriel en dehors de la production d’énergie représente à lui seul 25 % de la consommation finale d’électricité et 35 % de la consommation finale de gaz naturel. La littérature abonde sur l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité en 2022, et les médias ont largement rapporté les baisses de production industrielle voire les arrêts dus à l’inflation énergétique, ce sur quoi nous ne reviendrons pas ici. Cependant, la question des années à venir demeure. La crise énergétique continue d’avoir des effets difficiles à déterminer sur le tissu industriel, d’autant plus que l’industrie française a été créatrice nette d’emplois en 2022, ce que souligne le rapport en saluant la résilience des industries françaises. L’incertitude demeure donc importante, et le rapport laisse entrevoir deux possibilités.
Deux scénarios se dessinent selon le rapport :
- Soit la crise énergétique n’affecte qu’une partie limitée de l’industrie, et la plupart des secteurs continuent de bénéficier de facteurs conjoncturels favorables tels que la reprise économique mondiale et les investissements publics.
- soit les effets négatifs de la crise n’ont eu lieu qu’à la fin de l’année 2022 et sont compensés par les bons résultats des premiers trimestres. Cependant, l’arrivée à échéance de nombreux contrats de fourniture d’énergie en 2023 suscite des inquiétudes quant à la vulnérabilité significative des industriels dans les mois et les années à venir.