Jeudi 11 avril, les eurodéputés ont validé une réforme du marché de l’électricité de l’UE visant à stabiliser les factures des consommateurs et à stimuler les investissements dans les énergies décarbonées, qu’elles soient renouvelables ou nucléaires. Cette législation, fruit d’un accord conclu mi-décembre entre les négociateurs des États membres et du Parlement européen, a été largement approuvée avant de recevoir la dernière validation des Vingt-Sept. «Les consommateurs ont besoin de prévisibilité pour progresser vers l’électrification», et cette réforme «leur donnera accès à des prix de long terme, abordables et stables» Le rapporteur socialiste, Nicolas Gonzalez Casares, a évalué.
Réduire l’impact des factures.
Les tarifs de gros de l’électricité sont influencés par le coût de fonctionnement de la dernière centrale utilisée pour stabiliser le réseau, principalement des centrales à gaz. Ce marché avait connu une hausse significative en 2021-2022, suivant la tendance des prix du gaz. Sans modifier fondamentalement ce mécanisme, la réforme promeut l’utilisation de contrats d’achat d’électricité à long terme à des prix préétablis (PPA) entre les producteurs d’électricité et les industriels ou les distributeurs, dans le but d’atténuer l’impact de la volatilité des prix du gaz sur les factures des consommateurs.
Les gouvernements auront le pouvoir d’exiger des fournisseurs d’électricité au détail d’adopter des contrats d’achat d’électricité à prix fixe (PPA) afin de limiter leur exposition à la fluctuation des prix sur le marché de gros. Les petites et moyennes entreprises (PME) ont la possibilité de s’associer pour souscrire à ces contrats. Il est recommandé aux gouvernements de mettre en place des garanties publiques pour couvrir les risques de crédit encourus par les entreprises signataires de ces contrats, bien qu’ils puissent restreindre leur soutien aux énergies renouvelables.
Sécurité des consommateurs.
Les fournisseurs seront prohibés de suspendre l’approvisionnement des consommateurs qualifiés de « vulnérables » ou en situation de « précarité énergétique ». Les consommateurs bénéficieront de l’installation d’un « compteur intelligent » pour surveiller leurs dépenses, tandis que les hausses de prix unilatérales dans les contrats à tarif fixe seront proscrites.
Encourager les investissements.
Tout soutien public aux investissements dans la production d’électricité à faible émission de carbone (qu’il s’agisse d’énergies renouvelables ou nucléaires) lancés après 2027 sera principalement réalisé à travers des « contrats pour la différence » (CFD) établis avec un prix garanti par l’État, ou des mécanismes similaires ayant un effet équivalent. Dans un tel arrangement, si le prix de gros de l’électricité sur le marché excède le prix garanti dans le contrat, le producteur doit reverser les bénéfices supplémentaires à l’État.
Cependant, lorsque les prix chutent en dessous du niveau convenu, c’est à l’État de verser une indemnisation au producteur d’électricité. Cette mesure vise à accroître la prévisibilité pour les investisseurs du secteur. Les centrales déjà en service pourront également bénéficier de ces contrats à prix fixe en cas d’investissements visant à augmenter leurs capacités ou à prolonger leur durée de vie, ce qui inclut les sites nucléaires, comme le gouvernement français l’a obtenu après des négociations ardues.
L’Allemagne s’était fermement opposée à cette mesure, craignant la concurrence d’une électricité française qui serait rendue plus compétitive grâce à un soutien public massif. Ces contrats pour la différence (CFD) devront être conformes aux règles européennes sur les aides d’État, sous la supervision de Bruxelles, afin de garantir une concurrence équitable. Le niveau des prix devra refléter les coûts des investissements. Les États auront la possibilité de réaffecter les recettes provenant des CFD aux consommateurs finaux, qu’il s’agisse de ménages ou d’industries, ou de les utiliser pour financer des programmes de soutien visant à réduire leurs factures énergétiques.
Maintien des capacités de réserve pour les centrales à charbon.
Les « mécanismes de capacité » autorisent les États à rétribuer les capacités inutilisées des centrales afin de garantir leur fonctionnement continu et d’éviter toute pénurie future d’électricité. Des exigences environnementales, telles que des limites d’émissions de CO2, sont prévues pour ces installations. À la demande de la Pologne, qui souhaite appliquer cette mesure à ses centrales à charbon, une dérogation est accordée sous certaines conditions aux centrales fossiles construites avant 2019, et ce jusqu’en 2028.
Gestion des prix en période de crise
En cas de hausse persistante des prix, les États membres pourront, sur recommandation de la Commission européenne, déclarer une « situation de crise » pour une durée maximale d’un an. Cela autorisera les États à mettre en place des mesures de type bouclier tarifaire afin de protéger les ménages vulnérables et les entreprises. De plus, les consommateurs disposés à réduire leur consommation pendant les périodes de pointe quotidiennes pourraient recevoir une compensation de la part des gestionnaires de réseaux.
Le texte établit plusieurs conditions pour déclarer une crise : soit des prix moyens sur le marché de gros qui sont 2,5 fois plus élevés que la moyenne des cinq années précédentes et atteignent au moins 180 euros/MWh, soit une augmentation brutale des prix de détail de 70 %, suivie d’une stabilisation à ce niveau pendant plusieurs mois.